"Into the lens, une vie à travers ma fenêtre"

                                                                Texte et photographie : Sylvain ARNOLD

Dans la rue, pour une meilleure vie de chien.

En 10 ans, la population canine a diminué de moitié dans la capitale. Avec de nombreux espaces verts désormais interdits, la ville est devenue difficile pour le meilleur ami de l’homme. Une politique locale dont les victimes sont aussi les citoyens.

De mémoire de Parisien, on n'avait jamais vu autant de chiens sur les pavés de Paris. La première « cani-festation » s'est déroulée samedi 8 juin 2013 avec pour point de départ, la mairie du 1er arrondissement. Les 1.000 participants et leurs animaux de compagnie se sont réunis place du Louvre. Un rassemblement à l'appel du comité OKA ("on avance" en dialecte gabonais) une organisation qui informe et sensibilise l'opinion sur des actions de conservation environnementale dans le monde. Cette association dont le parrainage est assuré par Michel Drucker, Nicoletta et Stéphane Bern, souhaite sensibiliser les élus locaux sur la nécessité de mieux accepter la présence des chiens à Paris.

« Au bout de chaque laisse, il y a un électeur »

La question est d’actualité car en 10 ans, la population canine a presque diminué de moitié dans la capitale pour atteindre les 200.000 chiens. « Au bout de chaque laisse il y a un électeur qui entend bien faire connaître sa voix lors des prochaines élections municipales de 2014 » déclare Anne Vosgien, présidente du comité organisateur et par ailleurs haut magistrat à la Cour d'appel de Paris.
De petite taille et chapeau de paille vissé sur la tête, la présidente rassemble ses troupes devant le parvis de la mairie. Son discours, bien rodé, nous fait entendre « qu'il convient de réhabiliter le chien citadin avec plus d'espaces verts à Paris ». Pour elle, cela passe par l'intégration de l'animal et l'éducation des propriétaires. Non loin de là, Serge Belais, vétérinaire et Vice-Président de ce comité, ajoute que « le chien est aussi chez lui dans la cité. Nous n'accepterons pas qu'il soit chassé par les politiques ». Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet sont désormais averties. Le consensus semble parfait tout le long de la rue de Rivoli, où la manifestation prend de l'importance. Dès 14h30 la foule se met en route vers le Carrousel du Louvre.
Au delà de ces axes de revendications, les organisateurs de cette marche ont souhaité mettre en avant les bienfaits de la présence de cet animal. Le lien social est plus que jamais indispensable. Pour les personnes âgées, il constitue un rempart contre la solitude. Pour les enfants c’est un formidable lien de socialisation. Pour tous, il est un facteur de bonne santé et de réduction du stress. Les études le prouvent, les bienfaits de l'animal sont « supérieurs aux nuisances ».

De nombreuses villes ont leurs « cani’sites » ou « cani’parcs ».

Parmi les manifestants, Roberto est venu avec son jeune berger belge. La robe fauve et les oreilles déjà bien dressées, le jeune animal est l'objet de toutes les attentions des manifestants qui l’entourent. Roberto déclare à son voisin « que les transports en commun sont devenus très compliqués à emprunter. La cohabitation est très difficile avec les autres passagers ». Par les banderoles déployées ici et là, les élus sont invités à ouvrir plus d'espaces verts comme il en existe à Avignon, Toulouse ou Lyon. Dans ces capitales régionales, l'intégration du chien est passée par la création de « cani’sites » ou de « cani’parcs » permettant aux animaux de se défouler ou se promener sans laisse.
Ces villes « dog-friendly » ont vu construire le parc à chiens « Chico Mendes » de 60.000 m2 à Avignon, des aires non clôturées à Toulouse de près de 250 m² ou des aménagements spécifiques dans le parc de la Tête d'Or à Lyon. Désormais chaque ville offre au chien un bel espace d’accueil. A l’heure de la biodiversité et de la protection de l’environnement, Paris est en retrait sur cette question d'aménagement. Pourtant depuis 2001, des éducateurs canins professionnels répondent aux questions relatives à la propreté des chiens. Ils interviennent ponctuellement sur la voie publique afin de sensibiliser les propriétaires sur les règles en matière de sécurité ou de savoir-vivre. Leur rôle est préventif. Ils sont perçus comme des professionnels mandatés par la ville. Mais cela n’a pas empêché de diminuer de moitié en 10 ans le nombre de chiens dans la capitale. La question des espaces réservés n’est toujours pas résolue.
Arrivée place du Carrousel, la marche touche à sa fin. A l'entrée des jardins des Tuileries, les chiens ont soif. Les maîtres sont satisfaits de leur première action publique. Avant la dispersion, Anne Vosgien conclut dans son mégaphone « qu'après s'être consacrée à la sauvegarde des primates en République Démocratique du Congo, l’association braque ses projecteurs sur l'urgence à réhabiliter notre animal de compagnie ». Une manière de nous rappeler sans doute qu'avec un animal, la ville peut être plus belle.


Sylvain ARNOLD

juillet 2013